Le comte de Chabannes: un exclu et un humaniste

Madame de La Fayette est une écrivaine française du XVII siècle qui a notamment écrit la
Princesse de Clèves et La Princesse de Montpensier qui sont ses œuvres principales. La Princesse de Montpensier est une nouvelle écrite en 1662, c’est sa première œuvre écrite anonymement et elle est considérée comme une nouvelle historique. Une fois publiée, l’œuvre connaît un grand succès car le sujet touche la femme qui doit lutter contre sa passion (c’est un thème qui a beaucoup intéressé Madame de Lafayette). Bertrand Tavernier, producteur français du 21ème siècle, à fait une adaptation de La Princesse de Montpensier. Il connaissait l’œuvre mais ne l’avait pas lu, c’est en voyant une première adaptation qu’il a décidé de le réaliser (il n’est donc pas imprégné de l’écriture de Madame de Lafayette). Ce sont deux époques et esprits différents. Puisqu’il s’agit d’une adaptation, Bertrand Tavernier va changer certains éléments et parfois s’écarter de l’histoire, mais l’on retrouve de nombreux points communs. Tous deux se sont attardés sur les personnages: on retrouve différents portraits tous portés par la passion et leurs sentiments.Cependant un personnage se distingue: le Comte de Chabannes. Alors comment est perçu le comte de Chabannes dans les œuvres et qu’est-ce que cela révèle de lui ? Dans un premier temps nous verrons en quoi il est un personnage exclu puis dans un second temps, en quoi il est un personnage humaniste.

 

Nous pouvons constater que dans la nouvelle de Madame de Lafayette et dans le film de Bertrand Tavernier, le personnage du comte de Chabannes est exclu par rapport aux autres. On peut voir que son personnage n’est pas semblable à la description des autres.Tout d’abord, dès le début des œuvres, le comte de Chabannes apparaît comme exclu. Dans le film, on le voit quitter le champ de bataille suite à la mort d’une femme enceinte. Il quitte son cavalier et se retrouve donc seul. Chabannes est en fuite, sans protection. Dans la nouvelle, Chabannes quitte le camp des Huguenots par amitié pour le prince de Montpensier: « il abandonna le parti des Huguenots, ne pouvant se résoudre à être opposé en quelque chose à un si grand homme et qui lui était si cher » (p.10). Cette raison sema le doute pour la reine Catherine de Médicis qui souhaitait donc le faire arrêter. Ce n’est que plus tard dans le film et un peu plus loin dans la nouvelle que Chabannes trouve refuge auprès du prince de Montpensier.
Sans oublier que comparé aux autres personnages importants, Chabannes n’est que comte, il n’est pas du même statut social. De plus c’est aussi le personnage le plus âgé. Bien qu’il fasse preuve de sagesse, il est tout de même exclu par rapport aux autres. Et dans le livre, la princesse de Montpensier lui fait remarquer cette différence: « elle lui représenta en peu de mots la différence de leurs qualités et leur âge » (page 12).
Sans oublier que Chabannes n’a pas la même façon de voir les choses et se distingue d’eux par la raison. Il est le seul à ne pas se laisser guider par la passion et les sentiments. Souvent il s’exprime de façon réfléchie et lyrique face aux autres personnages vifs et impulsifs. Mais le comte de Chabannes est surtout représenté comme un personnage exclu car il est rejeté de toutes parts. Tout d’abord par la princesse de Montpensier. Chabannes tombe fou amoureux d’elle en la découvrant. Il. va alors lui livrer ses sentiments mais la princesse rejette son amour qui n’est pas réciproque. Dans le film, on peut voir une sorte d’indifférence de la princesse qui s’empresse de lui dire qu’elle oublierait ce qu’il venait de lui confier. On retrouve ce même comportement dans la nouvelle: « Le comte de Chabannes pensa mourir à ses pieds de honte et de douleur. Elle tâcha de la consoler en l’assurant qu’elle ne se souviendrait jamais de ce qu’il venait de lui dire, qu’elle ne se persuaderait jamais une chose qui lui était aussi désavantageuse, et qu’elle ne le regarderait jamais que comme son meilleur ami » (page 12). Un rejet marqué jusqu’à la fin des deux œuvres. Chabannes continuera à faire tout son possible pour aider la princesse dans n’importe quelles circonstances malgré la douleur, en espérant que le princesse veuille de lui. Dans le film, chaque nouvelle demande de la princesse le fait souffrir et on peut voir sur son visage une certaine tristesse. Il en est de même dans la nouvelle: « ce fut le dernier coup pour le comte de Chabannes de voir que sa maîtresse voulait qu’il servît son rival, et qu’elle lui en faisait la proposition comme d’une chose naturelle, sans envisager le supplice où elle l’exposait. Il était si absolument maître de lui-même qu’il lui cacha tous ses sentiments et lui témoigna seulement la surprise où il était de voir en un elle un si grand changement » (page 33). Mais en plus de cet immense chagrin s’ajoutera à la fin de l’histoire, une autre déception.
Déjà rejeté de la princesse, le prince de Montpensier (son si grand ami), fera de même. En effet, il s’agit du moment où le duc de Guise s’introduit dans la chambre de la princesse pour lui avouer ses sentiments les plus sincères. Le prince de Montpensier, étant bientôt à sa porte, il fut contraint de s’enfuir mais le prince ayant déjà entendu la voix d’un homme dans la chambre de son épouse, le comte de Chabannes prit la place du duc. Lorsque le prince ouvrit la porte, il fut choqué et déçu de le trouver ici: « que vois-je, lui dit-il, est-ce une illusion ou une vérité? Est-il possible qu’un homme que j’ai aimé si chèrement choisisse ma femme entre toutes les femmes du monde pour la séduire? » (page 41). Chabannes comprit que son amitié avec le prince prenait fin. Désormais il devait s’enfuir le plus loin possible et dire adieu au prince et à la princesse. Le comte de Chabannes, déjà exclu au début de l’histoire par ses compatriotes, était désormais exclu de ceux qu’il aimait. Il se retrouvait seul.

 

Tout comme il l’avait déjà fait pour la princesse en faisant ressortir la force d’une femme qui assume son destin plutôt que la femme faible et vulnérable que présentait Madame de Lafayette, Bertrand Tavernier fait beaucoup plus ressortir le côté humaniste du comte de Chabannes contrairement à Madame de Lafayette. Nous pouvons remarquer cela au début du film, lorsqu’on voit que c’est à cause de la mort d’une femme enceinte que le comte déserte son camp et à la fin du film, c’est pour une femme enceinte qu’il va de nouveau se battre mais pour la sauver cette fois, afin de laver ses péchés et sa conscience : il place l’être humain au centre de ses intérêts. Toutefois, au début du livre, Madame de Lafayette met en évidence la partie humaniste du comte en nous montrant que c’est pour l’amitié avec le prince de Montpensier, que le comte de Chabannes va déserter son camp : « Ce changement de parti n’ayant point d’autre raison que celle de l’amitié » (p.10). Néanmoins, à la fin du livre, il meurt parce que les chrétiens l’ont pris pour un protestant : ce qui enlève tout le côté humaniste du comte ; il était juste au mauvais endroit, au mauvais moment.
Nous pouvons voir dans le film qu’il y a un autre moment où Bertrand Tavernier insiste sur l’humanisme du comte de Chabannes : le moment où le comte s’occupe de l’apprentissage de la princesse de Montpensier. Le fait que ce soit l’un des personnages principaux le plus âgé, il est donc rempli de sagesse et de savoir, et il a déjà une grande expérience de la vie. De tous les personnages, il est le plus sage. Dans le film, on voit le comte instruire son élève dans différents domaines comme le latin ou l’astrologie par exemple. Alors que dans le livre, il est juste dit que le comte regardait « avec admiration tant de beauté, d’esprit et de vertu qui paraissaient en cette jeune princesse » (p.10) et qu’ « il la rendit en peu de temps une des personnes du monde la plus achevée» (P.11). Une nouvelle fois, Madame de Lafayette insiste peu sur la partie humaniste, la sagesse et le grand savoir du comte qui, pour Tavernier, joue aussi le rôle d’éducateur pour les autres personnages principaux.
Les deux œuvres mettent en avant le côté humaniste du comte de Chabannes. On peut parler tout d’abord des sentiments du comte à l’égard de la princesse de Montpensier, le comte en tomba follement amoureux comme il est dit dans l’œuvre à la page 12 «  Il devient passionnément amoureux de cette princesse ». Cet amour porté à la princesse le rendit protecteur et pour cela nous pouvons parler de la scène du sanglier dans le film. Dans cette scène où la princesse devait partager en morceaux un sanglier mort, cette dernière fut en difficulté et c’est donc le comte qui le fit. Malgré sa jalousie à l’égard du duc de Guise, il fit quand même tout ce qu’il put pour le bonheur de la princesse : « Il se résolut, par une générosité sans exemple, de s’exposer pour sauver une maîtresse ingrate et un rival aimé » page 40 .

Pour conclure, on constate que le personnage du comte de Chabannes a une place essentielle dans les œuvres et joue un rôle important. Pris entre son exclusion et son humanisme, Chabannes semble torturé par ces sentiments et la raison. Nous pouvons remarquer que Bertrand Tavernier met plus en avant le personnage du comte contrairement à Madame de Lafayette. Il donne une meilleure image du personnage, il fait ressortir son côté sage, expérimenté, et humaniste. Madame de Lafayette favorise plus le triangle amoureux entre la princesse, le prince, et le duc de Guise alors que Bertrand privilégie le rôle des personnages.

Maelys, Lola, Lise

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