Femme de lettres, Madame de Lafayette, qui aura fréquenté à travers sa jeunesse cour et salons littéraires, écrira et publiera anonymement avec l’aide de l’écrivain Segrais « La Princesse de Montpensier », œuvre éponyme, en 1662. En 2010, l’œuvre sera adaptée cinématographiquement par Bertrand Tavernier, réalisateur contemporain. Cette nouvelle historique évoque l’histoire d’une jeune femme du XVIème siècle qui évolue intellectuellement tout en essayant de garder la raison face à la passion engendrée par plusieurs prétendants. Nous pouvons alors mettre en exergue cette évolution en nous interrogeant sur le parcours intellectuel et sentimental de la princesse ; dans une première partie nous verrons en quoi il s’agit d’un roman d’apprentissage, dans une deuxième partie nous verrons la transition qui s’effectue entre la princesse de Montpensier et Marie de Montpensier.
Tout d’abord nous pouvons observer que c’est le récit d’une tranche de vie. En effet elle a treize ans au début de l’œuvre et elle meurt « dans la fleur de son âge » (vers vingt ans). La princesse de Montpensier a eu une enfance insouciante jusqu’à l’âge adulte marqué par le mariage, le symbole de ce passage.
Ensuite, nous pouvons remarquer l’importance du poids de la famille. L’héroïne est une femme issue d’une famille noble et dépend de ses décisions. Il est vrai qu’elle ne choisit pas son mari par sentiments mais est contrainte de se soumettre à un mariage forcé. Elle est premièrement « tourmentée » par sa famille puis se résigne « enfin [à] obéir à ses parents ». Impuissante et soumise, elle est dans l’obligation de servir l’intérêt des siens en épousant un mari potentiellement riche. Elle passe donc de l’autorité de ses parents à celle de son époux. En fréquentant le duc de Guise qui est de retour à Paris, elle se laisse gagner par les sentiments qu’elle avouera par la suite. Le prince de Montpensier, son mari, ordonnera son retour à Champigny accompagnée de Chabannes. La princesse confiera et expliquera à ce dernier comment servir son amour : « Elle lui dit comme le duc de Guise et elle étaient convenus de recevoir, par son moyen les lettres qu’ils devaient s’écrire ». Loin d’être soumise, elle est alors capable de prendre des initiatives.
De plus, la princesse de Montpensier a recours à un apprentissage grâce à la présence de Chabannes qui fait d’elle une femme accomplie : « Chabannes de son côté se servant de l’amitié qu’elle lui témoignait pour lui inspirer des sentiments de vertu extraordinaire et digne de la grandeur de sa naissance, […] la rendit en peu de temps une des personnes du monde les plus achevées ». Nous pouvons donc dire que l’enseignement de Chabannes dans la nouvelle est moral.
Pour finir, nous pouvons évoquer le fait que la princesse a évolué car elle n’accepte plus qu’on s’oppose à son amour et devient de plus en plus manipulatrice. Par exemple quand elle accepte de voir le duc de Guise à l’insu de son mari, elle a conscience que ce n’est pas vertueux mais contrairement au début de la nouvelle elle privilégie la passion aux mœurs de son époque. Malgré les conseils bienveillants de Chabannes elle exprime sa liberté sans prendre en compte les codes moraux.
Ensuite, nous pouvons faire la différence entre la princesse de Montpensier et Marie de Montpensier. D’abord, dans le film Marie a un caractère plus affirmé dès le début. Elle s’oppose fortement au mariage imposé par son père et va même se confronter physiquement à lui.
De même, Bertrand Tavernier invente le prénom de la princesse. En effet, ce n’est ni celui de la personne historique, ni celui du personnage de la nouvelle. Il va donc s’écarter un peu de ses repères pour rendre son histoire plus vraisemblable. Nous pouvons ajouter le fait que Marie est un anagramme du verbe « aimer ». Tavernier mise tout sur l’amour car c’est l’interprétation d’une œuvre précieuse.
D’autre part, nous pouvons remarquer que les sentiments de la princesse de Montpensier dans le film de Bertrand Tavernier sont ardents et constants. Le réalisateur invente la confrontation de la princesse avec le duc de Guise qui préfère une autre femme à la fin. Nous pouvons voir une princesse digne qui ne vient pas mandier l’amour mais plutôt affirmer la vérité. Elle est fière de ce qu’elle est, elle dit que « le temps n’a rien aboli chez moi ! ».
Enfin, nous pouvons dire que son désir d’apprendre, de mieux lire et écrire est propre au film. Cette volonté de s’élever intellectuellement est le symbole de l’émancipation de la princesse pour ne pas se limiter au rôle d’épouse. Nous nous apercevons que c’est une jeune femme curieuse car elle questionne beaucoup Chabannes, par exemple dans la cour du château où les questions sur la vie en général sont nombreuses. La fin tragique renforce le caractère entier de la princesse car Tavernier refuse de la faire mourir pour ne pas porter de jugement moral.
La Princesse de Montpensier aura parcouru différentes péripéties avant de parvenir à s’affirmer dans un univers où le choix des femmes importe peu à cet époque. Confrontée à différents prétendants qui voudront la mener sur le chemin de la passion, elle parviendra néanmoins à faire la part des choses et acquierra des compétences intellectuelles grâce à Chabannes. Femme affirmée en puissance, elle recevra l’admiration et la compassion du lecteur mais également du spectateur qui finiront par l’acquitter des entailles faites à la morale.
Gwendoline & Cécile
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