Archives mensuelles : juin 2017

Les oeuvres au programme 2017-2018

Nous commencerons l’année scolaire par l’étude de Les Faux-monnayeurs, et Le Journal des Faux-monnayeurs, de Gide.
Vous devez donc vous procurer les livres de Gide, à lire pendant les vacances, dans l’édition suivante:

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Bonnes vacances et bonne lecture!

 

Et si vous en voulez plus, voici le programme officiel de l’année accompagné des orientations littéraires à suivre.

Programme de littérature pour l’année scolaire 2017-2018

NOR : MENE1704854N
note de service n° 2017-033 du 1-3-2017
MENESR – DGESCO MAF 1

 


Texte adressé aux rectrices et recteurs d’académie ; aux vice-rectrices et vice-recteurs ; au directeur du service interacadémique des examens et concours d’Ile-de-France ; aux inspectrices et inspecteurs d’académie-inspectrices et inspecteurs pédagogiques régionaux de lettres ; aux proviseures et proviseurs ; aux professeures et professeurs de lettres
Références : arrêté du 12 juillet 2011 (J.O. du 20 septembre 2011 et B.O.E.N. spécial n° 8 du 13 octobre 2011)

Pour l’année scolaire 2017-2018, la liste des œuvres obligatoires inscrites au programme de littérature de la classe terminale de la série littéraire est la suivante :

A. Domaine d’étude « Littérature et langages de l’image »

Œuvres

– Madame de Lafayette, La Princesse de Montpensier, 1662 (édition au choix du professeur)

– Bertrand Tavernier, La Princesse de Montpensier, film français, 2010 (édition au choix du professeur).

Le programme de l’enseignement de littérature en classe terminale de la série littéraire (arrêté du 12 juillet 2011 publié au Bulletin officiel de l’éducation nationale spécial n° 8 du 13 octobre 2011) indique que le travail sur le domaine « Littérature et langages de l’image » doit « conduire les élèves vers l’étude précise des liens et des échanges qu’entretiennent des formes d’expression artistiques différentes ». L’inscription au programme de la nouvelle de Madame de Lafayette La Princesse de Montpensier (1662) et du film de Bertrand Tavernier (2010) met en jeu les relations entre littérature et langage cinématographique, ici envisagées sous l’angle de l’adaptation. La lecture croisée des deux œuvres, recourant aux outils d’analyse adéquats, permettra aux élèves de les apprécier « dans la double perspective de leur singularité et de leur intertextualité ».

Première œuvre publiée, anonymement, par Madame de Lafayette, La Princesse de Montpensier est aussi parmi les premières nouvelles françaises. Rompant avec l’invraisemblance des romans héroïques, l’auteur puise dans l’histoire de la fin du XVIe siècle la matière première de ce court récit qui met en scène, dans un style épuré proche de la chronique, des événements et des personnages le plus souvent réels. Mais tout en prenant appui sur une base historique soigneusement documentée, l’intrigue se déroule dans les marges de l’histoire, empruntant à « l’histoire particulière » des figures ou épisodes mal connus du passé que l’écriture romanesque recrée, développe, voire invente, afin de donner à voir une vérité moins historique que morale. À travers le destin tragique d’une jeune femme qui, déchirée entre son devoir et sa passion amoureuse, préfigure les grandes héroïnes raciniennes autant que La Princesse de Clèves, Madame de Lafayette montre en effet le danger que représentent les passions dans un monde qui, strictement codifié par les règles de bienséance, condamne toute femme qui leur aurait sacrifié sa « vertu » et sa « prudence ».

Le film de Bertrand Tavernier s’attache « à respecter [les] passions que décrivait Madame de Lafayette, à suivre leur progression, mais aussi à mettre à nu ces émotions, en trouver le sens, les racines, la vérité profonde, charnelle » [1]. Il transpose ainsi doublement le langage de la nouvelle, puisque l’adaptation cinématographique se fonde sur une interprétation de la langue classique de Madame de Lafayette. Dans un double geste d’épure et d’amplification, le réalisateur libère le texte de son imprégnation janséniste et précieuse pour en développer les implicites et les non-dits. Le scénario s’écrit dans les blancs d’un récit dont il comble les ellipses pour restituer en pleine lumière une réalité historique et morale que l’esthétique classique édulcorait, et ainsi projeter le texte, par-delà les siècles, dans notre modernité. À travers le destin exemplaire de Marie de Montpensier, le film montre la vérité à la fois émotionnelle et charnelle de la passion qui, du XVIe au XXIe siècles, garde la même force de contestation de l’ordre établi. À l’insoumission de la jeune femme répond, dans l’adaptation cinématographique, celle du comte de Chabannes, personnage secondaire du récit dont l’itinéraire moral devient le fil conducteur du film où il incarne, en référence aux grands humanistes du XVIe siècle, la lutte contre l’ignorance et le fanatisme religieux. Le film de Bertrand Tavernier montre ainsi que, déliée des contraintes de la bienséance, la nouvelle de Mme de Lafayette est porteuse d’une réflexion très actuelle, mais qui prend sa source dans la Renaissance, sur l’aspiration légitime de l’individu à la liberté, face à toutes les formes de coercition sociale, morale ou idéologique.

Le professeur aura soin d’inscrire chacune des deux œuvres dans son contexte socioculturel et artistique spécifique, afin de favoriser leur dialogue mais aussi leur confrontation. Il veillera notamment à faire percevoir aux élèves l’importance que revêt la prise en compte de la réception de l’œuvre dans l’acte créateur.

Quelques ressources pour les professeurs

– Madame de Lafayette, Œuvres complètes (édition établie, présentée et annotée par Camille Esmein-Sarrazin), Paris, NRF, Gallimard, coll. « Bibliothèque de La Pléiade », 2014.

Sur Madame de Lafayette et La Princesse de Montpensier

– Cuénin Micheline (introduction et édition critique de), Histoire de la Princesse de Montpensier sous le règne de Charles IXe Roi de France et Histoire de la Comtesse de Tende, Genève, Librairie Droz, 1979.

– Goldsmith, Elizabeth, « Les lieux de l’histoire dans La Princesse de Montpensier », in XVIIe siècle, n°181, oct.-déc. 1993 : « Autour de Madame de Lafayette », pp.705-715.

– Giorgi, Giorgetto, « Forme narrative longue, forme narrative brève : le cas de Mme de Lafayette », in Littératures classiques, n°49, 2003, pp. 371-383.

– Virmaux, Odette, Les Héroïnes romanesques de Madame de Lafayette (La Princesse de Montpensier, La Princesse de Clèves, La Comtesse de Tende), Paris, Klincksieck, « Femmes en littérature », 1981.

– Dejean, Joan, « De Scudéry à Lafayette : la pratique et la politique de la collaboration littéraire dans la France du XVIIe siècle », in XVIIe siècle, n°181, op.cit., pp.673-685.

– Gérard-Chieusse, Sophie, Madame de Lafayette et la préciosité, Lille, Presses Universitaires du Septentrion, 2001.

– Godenne, René, Histoire de la nouvelle française aux XVIIe et XVIIIe siècles, Genève, Droz, 1970.

– Grand, Nathalie, Le Roman au XVIIe siècle, Paris, Bréal, coll. « Amphi lettres », 2015.

– Zonza, Christian, La Nouvelle historique en France à l’âge classique (1657-1703), Paris, Honoré Champion, 2007.

Sur Bertrand Tavernier et La Princesse de Montpensier

– Tavernier, Bertrand, avant-propos de La Princesse de Montpensier (un film de Bertrand Tavernier suivi de la nouvelle de Madame de Lafayette), Paris, Flammarion, 2010.

– Le Cinéma dans le sang (entretiens avec Noël Simsolo), Paris, Écriture, coll. « entretiens », 2011, et notamment les pages 146, 194-195, 259, 270, 275.

– http://www.lexpress.fr/culture/cinema/bertrand-tavernier-raconte-le-tournage-de-la-princesse-de-montpensier_892297.html

– Morice, Jacques, une critique du film à lire sur http://www.telerama.fr/cinema/films/la-princesse-de-montpensier,410517.php

– Nuttens, Jean-Dominique, Bertrand Tavernier (Film après film, le parcours d’un cinéaste humaniste et en prise avec son temps), Rome, Gremese, 2009 (anthologie commentée de la filmographie de Tavernier jusqu’en 2009).

– Raspiengeas, Jean-Claude, Bertrand Tavernier, Paris, Flammarion, 2001.

B. Domaine d’étude « Lire-écrire-publier »

Œuvres

– André Gide, Journal des Faux-Monnayeurs.

– André Gide, Les Faux-Monnayeurs.

Le programme de l’enseignement de littérature en classe terminale de la série littéraire (arrêté du 12 juillet 2011 publié au B.O.E.N. spécial n° 8 du 13 octobre 2011) indique que le travail sur le domaine « Lire-écrire-publier » invite les élèves « à une compréhension plus complète du fait littéraire, en les rendant sensibles, à partir d’une œuvre et pour contribuer à son interprétation, à son inscription dans un ensemble de relations qui intègrent les conditions de sa production comme celles de sa réception ou de sa diffusion ». Dans cette perspective, l’étude conjointe du Journal des Faux-Monnayeurs et des Faux-Monnayeurs d’André Gide privilégiera la réflexion sur la genèse de l’œuvre, par la découverte et l’exploration du processus de création littéraire.

Loin de donner à voir les différents états du roman, à travers les manuscrits et brouillons qui en constitueraient l’avant-texte, le Journal des Faux-Monnayeurs relate et réélabore l’histoire de sa composition. Du projet initial d’écrire une suite aux Caves du Vatican à l’élaboration d’une intrigue où Lafcadio est finalement absent, ces deux cahiers décrivent la mise au point d’un projet romanesque. À la fois carnet de travail et laboratoire de création, le Journal des Faux-Monnayeurs est le témoin du dialogue constant de l’écrivain avec lui-même, dont l’œuvre est le produit. Outre des anecdotes, des documents et des notations autobiographiques qui feront – avec de nombreux passages du Journal personnel de l’écrivain – la matière première de la fiction romanesque, Gide y recueille ses réflexions sur la porosité de la littérature et de la vie, la présence ou la dilution du romancier dans son œuvre, la transparence de la fiction, ses hésitations entre le « roman pur », sans parasite, et une forme qui agrège toutes les perturbations extérieures, personnelles, morales, voire idéologiques.

Avec le « Journal d’Édouard », ces réflexions se transposent au cœur du roman, lui-même conçu comme un laboratoire de création, « un carrefour à problèmes ». Simultanément création et théorie de la création romanesque, Les Faux-Monnayeurs se compose de deux « foyers » d’intrigue qui se font écho. Aux faits relatés par les différentes voix narratives répondent les interrogations de l’écrivain sur leur traitement romanesque, dans un retour constant sur sa propre réflexion qui mène à l’abandon des pistes d’écriture tour à tour explorées. À la fois double et repoussoir de l’auteur, Édouard incarne une conception du genre romanesque comme itinéraire soumis aux aléas des expériences et des rencontres, où le travail de production importe plus que le produit fini, conception avec laquelle contraste singulièrement la composition très concertée des Faux-Monnayeurs.

La question de la genèse du roman devient ainsi le centre de gravité d’un diptyque où le livre achevé n’est plus que l’une des composantes de l’œuvre, qui intègre aussi son travail préparatoire. En attirant l’attention sur le processus créatif, le roman et son journal interrogent non seulement la place de l’écrivain face à son œuvre ou dans son œuvre mais celle du lecteur, constamment ballotté dans un emboîtement de points de vue et de commentaires souvent divergents. Cette double instance suggère différentes postures de lecture, du lecteur impliqué et piégé par l’illusion romanesque au lecteur distant portant un regard réflexif sur ce qu’il vient de lire, voire sur ses propres expériences de lecture. Dès la conception de l’œuvre, Gide prend ainsi en compte les attentes du public, pour en jouer, les déjouer et finalement les bouleverser.

Il s’agira donc bien d’envisager deux des « actes » définis par les contenus du programme que sont « La genèse : lire-écrire » et « La publication : écrire-publier », en concentrant notamment les analyses sur la tension entre la publication d’un journal de bord de la création et celle d’un roman qui interroge, avec le genre romanesque, l’écriture dans son rapport à la vie.

Quelques ressources pour les professeurs

– André Gide, Les Faux-Monnayeurs et le Journal des Faux-Monnayeurs dans Romans et récits. Œuvres lyriques et dramatiques, tome II (édition établie par Pierre Masson), Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 2009.

Autres écrits d’André Gide

 Journal, tome I (1887-1925), édition établie par Éric Marty, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1996 (pour les abondantes réflexions sur la genèse du roman dans les années 1921 à 1925).

– Les Caves du Vatican (1914), Paris, Gallimard, coll. « Folio ».

– Paludes (1895), Paris, Gallimard, coll. « Folio ».

Sur la genèse des Faux-Monnayeurs

– Goulet, Alain, « En remontant à la source des Faux-monnayeurs » (I et II), 2005. http://www.andre-gide.fr/.

– Hay, Louis, « Autobiographie d’une genèse » Item, 2007. Disponible sur : http://www.item.ens.fr/index.php?id=27157.

– Walker, David H., « En relisant le Journal des Faux-Monnayeurs », in André Gide et l’écriture de soi (textes réunis par Pierre Masson et Jean Claude), Lyon, Presses Universitaires de Lyon, 2002, pp. 89-101.

Études critiques

– Baty-Delalande, Hélène (dir.), André Gide, Les Faux-Monnayeurs. Relectures, Paris, Université Paris Diderot et publie.net, 2012.

– Godard Henri, Le Roman modes d’emploi : « L’offensive des années 1920. Le roman comme jeu », pp. 94-113. Paris, Gallimard, « Folio essais », 2006.

– Goulet, Alain, André Gide. Les Faux-Monnayeurs, mode d’emploi, Paris, SEDES, 1995.

– Marty, Éric, L’Écriture du jour. Le Journal d’André Gide. Paris, Seuil, 1986.

– Masson, Pierre, Lire Les Faux-Monnayeurs, Lyon, Presses Universitaires de Lyon, coll. « André Gide, textes et correspondance », 2012.

– Masson, Pierre, et Wittmann, Jean-Michel, Le Roman somme d’André Gide. Les Faux-Monnayeurs, Paris, PUF, coll. Cned, 2012.

Sites Internet à consulter

– http://www.andre-gide.fr (recueille notamment des articles sur la pratique gidienne du journal et du cahier)

– http://www.fondation-catherine-gide.org

– http://www.gidiana.net

Filmographie, discographie

– Allégret, Marc, « Avec André Gide », Panthéon-Productions, 1951, rééd. Arte Vidéo, 1996.

– Gide, André, Entretiens avec Jean Amrouche (1949), vol. 2 : « Les années de maturité » (2 CD), INA-Radio-France (1997)

Pour la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche
et par délégation,
La directrice générale de l’enseignement scolaire,
Florence Robine

 

[1] Bertrand Tavernier, avant-propos de La Princesse de Montpensier (un film de Bertrand Tavernier, suivi de la nouvelle de Madame de Lafayette), Paris, Flammarion, 2010.

(2)