Tout d’abord, La Princesse de Montpensier est une nouvelle publiée anonymement par Madame de Lafayette, une célèbre romancière et moraliste influencée par le jansénisme en 1622. L’action de cette œuvre se situe durant la période historique de la Renaissance, soit un peu plus d’un siècle avant la création de l’œuvre littéraire. Cet écrit fut adapté au cinéma par Bertrand Tavernier et la première projection date de 2011. L’amour est le sentiment principal de l’histoire. Cependant l’amitié est aussi présente dans les deux œuvres bien que cette notion soit assez ambiguë et surtout différente de la définition que nous avons de celle-ci aujourd’hui. Nous sommes donc amenés à nous demander ce qu’est l’amitié à cette époque et quel est son rôle dans l’oeuvre. Tout d’abord nous allons étudier l’amitié entre hommes et femmes, puis l’amitié exclusive.
A cette époque, les femmes n’étaient pas égales aux hommes. L’amitié dans ce cas entre hommes et femmes était une notion ambiguë. La sociabilité est parfois contrainte au 16ème siècle pour faire bonne figure. Cependant on peut aussi dire que celle-ci est interdite, par exemple, lorsque le Prince de Montpensier interdit au Comte de Chabannes d’appeler la princesse par son prénom car cela voudrait dire qu’il leur autorise une certaine proximité amicale qui dépasse celle du maître et de l’élève. Une amitié à cette époque , entre un homme et une femme, ne pouvait être purement platonique, et cela n’échappe pas à Philippe de Montpensier (Philippe est le nom donné au Prince par le réalisateur du film, Bertrand Tavernier), c’est pour cela qu’il est d’une jalousie particulièrement pointilleuse. Ainsi, il voit d’un mauvais œil le séjour du Duc d’Anjou et du Duc de Guise à Champigny et s’emporte facilement contre les invités. La princesse considère le Comte de Chabannes comme son ami, cependant, il est avant tout un avantage pour elle, il lui inculque les principes fondamentaux du savoir tel que la lecture et l’écriture. De plus, la Princesse est encore jeune malgré sa récente union, elle a donc besoin de s’amuser et le Comte de Channes, rapidement épris d’elle, est une parfaite distraction. L’amitié entre la princesse et le Comte de Chabannes est donc ambiguë, elle n’est pas platonique car le Comte est amoureux de la princesse, et elle est utilitaire car la Princesse a besoin de Chabannes.
De plus, le sens ordinaire de l’amitié représente un lien de sympathie et d’affection entre deux ( ou plusieurs ) personnes, qui ne repose ni sur l’attrait sexuel ni sur la parenté. Cependant on peut voir au fil de l’histoire notamment grâce au personnage du comte de Chabannes que l’amitié peut rapidement basculer dans la passion amoureuse. Le comte devient en effet «passionnément amoureux» de la princesse (p.10). Il est victime de sa propre passion et ne peut lutter contre elle: «il ne put se défendre de tant de charmes». On remarque malheureusement assez vite que les sentiments de la princesse ne sont pas réciproques. En effet, celle-ci éprouve seulement de l’amitié et de la sympathie pour le comte. Mais l’amitié de la princesse envers cet homme est tout de même guidé par un certain intérêt qui est celui de faire du comte de Chabannes son entremetteur entre elle et le conte de Guise. Tandis que de son coté, Chabannes nourri d’un amour passionnel se laisse manipuler par la jeune femme. On remarque cette manipulation à travers la citation suivante : « La princesse ne pouvant se résoudre à le perdre non seulement à cause de l’amitié qu’elle avait pour lui, mais aussi par l’intérêt de son amour pour lequel il lui était nécessaire … ». On peut donc voir grâce à cet exemple que l’amitié est un sentiment qui se laisse facilement dominer par l’amour et la passion ou bien tout simplement par des intérêts personnels à cette époque.
Dans une seconde partie, pour comprendre les relation amicales que pouvaient entretenir les hommes à l’époque dans laquelle se déroule l’histoire il faut remonter dans le temps. En effet, la Renaissance est une période encore très marquée par des principes issus du Moyen-Age. Nous retrouvons donc à cette époque le principe de féodalité. La féodalité est une forme d’organisation de la société qui, en Europe, atteint son apogée au Moyen Age et qui est apparue du X au XV siècle. Dans cette organisation il y a donc un vassal qui est celui qui, ayant reçu du seigneur suzerain une propriété territoriale ( nommée bénéfice ou fief) ainsi que sa protection, doit en contrepartie accomplir pour lui certaines obligations (militaire, financière, judiciaire…). A cette époque, l’un des homme est alors redevable à l’autre car il lui est inférieur. C’est une fonction sociale à cette époque et l’amitié n’est donc pas synonyme d’affinité. Au contraire nous sommes même face à de la soumission de l’un des homme face à l’autre, ce qui est un principe contraire à l’amitié de nos jours.
Le Comte de Chabannes se range du côté du Prince de Montpensier par « amitié », cependant cela ne veut pas réellement dire qu’il le fait par amitié profonde, mais plutôt par contrainte. En effet, le Comte est inférieur au Prince, il a bel et bien été son maître et lui a tout enseigné mais la famille du Prince est d’un rang social plus élevé que celui de Chabannes, de cette façon, ce dernier doit être redevable au Prince de lui avoir en quelque sorte permis de vivre convenablement toute ces années car il travaillait pour sa famille. Chabannes est gagnant cependant dans cette situation, il n’aura pas à tuer le Prince si ils sont dans le même camp, et ce dernier peut assurer sa protection auprès de la reine Catherine de Médicis, car Chabannes ayant déserté le camp adverse, il devrait être condamné à mort. Le Prince étant d’un rang social élevé, il peut se porter garant pour le Comte sans trop de suspicions. Ceci n’est pas la seule situation d’échange de service par amitié dans laquelle s’engage le Comte de Chabannes. Etant épris de la Princesse et voulant son bonheur en restant son ami, il s’engage alors à devenir l’intermédiaire entre la Princesse et le Duc de Guise, son amant. Cette situation est complexe pour Chabannes, étant l’ami du Prince, faciliter un échange entre la femme de ce dernier et son amant est un acte de trahison, mais étant tout aussi bien l’ami de la Princesse, il ne voudrait lui faire de la peine en lui refusant une chance à l’amour. Cela permet au Comte de conserver l’amitié de la Princesse, et pour cette amitié, il ira jusque perdre la vie pour cet échange, cette citation évoque la volonté du comte : « La passion du Comte le portait si naturellement à ne songer qu’à ce qui pouvait augmenter le bonheur et la gloire de cette princesse. » Lorsque le Duc d’Anjou découvre la relation amoureuse du Duc de Guise et de La Princesse, il décide d’éliminer son rival en menaçant de lui retirer ses privilèges militaires. Ainsi, une sorte d « amitié » lie le Duc d’Anjou et le Duc de Guise de par les liens militaires et la supériorité du Duc d’Anjou. Nous pouvons d’ailleurs voir dans le film que le Duc de Guise est loyal à son camp et fait son rapport au Duc d’Anjou lorsque ce dernier est en entrevue avec le Prince de Montpensier près des combats.
Cette nouvelle adaptée cinématographiquement nous apporte une notion de l’amitié bien différente de celle de notre époque. En effet, auparavant cette dernière était ambiguë et se rapportait plus à un échange de service proche du principe de féodalité et à une contrainte sociale qu’à la définition philosophique de l’amitié, la philia, qui est l’affection que l’on porte à une personne sans rien attendre en retour, définition que nous avons aujourd’hui. Madame de La Fayette aborde l’amitié parmi d’autres thèmes dans son œuvre dont la vertu, qui pousse la Princesse à questionner ses différentes relations « amicales » avec les hommes.
TECHER Sarah
ZABAJEWSKI Eva
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Intéressant. J’ajoute une idée : il y a une amitié entre le duc d’Anjou et le duc de Guise mais elle repose surtout sur leur communauté de destin (deux beaux jeunes hommes dans le même camp à la guerre). Idée que vous pouvez retrouver dans ce livre consacré à “La princesse de Montpensier” : https://www.amazon.fr/dp/1796888168