Le duc de Guise, un personnage de démesure

   Mme de Lafayette écrit La Princesse de Montpensier en 1662. La nouvelle émane de l’esprit de la Préciosité, un courant littéraire dominé par les femmes qui prônent le raffinement extrême du comportement, des idées et du langage. Avec une visée moralisatrice, la romancière présente le parallélisme entre le trouble lié aux guerres de
religion et le trouble amoureux intrinsèque à toute passion. En effet, plusieurs archétypes d’amants participent à l’intrigue, notamment le Duc de Guise, surnommé «le balafré», pour qui la princesse semble éprouver une certaine ardeur. La princesse de Montpensier, personnage de caractère, doit faire face à certaines violences: familiale, sentimentale…Avec le regard d’un homme du 21ème siècle, Bertrand Tavernier transpose à l’écran une nouvelle qui traite du 16ème siècle à travers la vision qu’on en a au 17ème siècle, et déplie tous les non-dits de la nouvelle. En quoi le duc de Guise est-il un personnage fait de démesure? Nous verrons que c’est un personnage fait d’excès, puis nous étudierons le duc de Guise comme l’archétype même de l’homme audacieux.
I-Un personnage de papier fait d’excès
A)Un personnage d’inspiration baroque, violent
– L’union de la princesse et du prince de Montpensier pousse sa colère et va jusqu’à une haine des deux prétendants: «affront insupportable», «il s’emporta avec tant de violence» ou «une haine entre eux qui ne finit qu’avec leur vie». Dans la nouvelle, les diverses hyperboles accentuent leur rivalité.
-Le duc n’arrive pas à contrôler sa passion, c’est pour cela qu’il peut être assimilé à un personnage baroque.
-Cette passion engendre le trouble du duc de Guise et aussi celui de la princesse. Lors de leur rencontre pendant la promenade en barque, à la seule vue du duc de Guise, la princesse subit «un trouble qui la fait rougir». Le duc lui, ressent « dans son cœur si vivement tout ce que cette princesse y avait autrefois fait naître».
-Progressivement, il devient «violemment amoureux». Il dit notamment: «je suis assez hardi pour vous adorer». La dimension baroque du duc de Guise est visible lors de l’entrevue chez la duchesse de Montpensier. Puisqu’ils sont seuls, le duc de Guise communique librement ses sentiments et a la joie «de se pourvoir à ses pieds, de lui parler en liberté de sa passion».
B)L’influence de la préciosité; un amant passionné
-Dans la nouvelle, l’amour est chaste.

-Les échanges amoureux émanent de l’esprit de la préciosité. Le terme «cœur» est utilisé afin de caractériser, par métonymie, les sentiments mutuels qu’éprouvent la princesse et le duc de Guise; «son cœur n’avait point changé». Le cœur de la princesse n’est pas en reste car elle sent «dans le fond de son cœur quelque chose de ce qui y avait été autrefois». De plus, «leurs cœurs se remirent aisément dans un chemin qui ne leur était pas inconnu». L’emploi du verbe pronominal suggère non seulement la réciprocité de leur amour mais aussi la Carte du Tendre, chère aux précieux, qui suggère des «chemins» pour parvenir à la conquête d’une belle.
-Le duc de Guise semble avoir le goût du secret, il ne souhaite pas dévoiler publiquement ses sentiments. Il se tait lorsque le duc d’Anjou le questionne pour savoir s’il n’éprouverait pas les mêmes sentiments que lui envers la princesse. C’est pourquoi il s’adresse explicitement à la princesse, afin de n’émettre aucun soupçon car il était impensable pour l’époque que la femme ait une relation adultère: «il lui dit plusieurs fois, devant tout le monde sans être entendu que d’elle, que son cœur n’avait point changé».
-Le duc est âgé de 13 ans lorsqu’il tombe amoureux de la princesse.
Il la fréquente car elle est promise à son frère, c’est pourquoi il la connaît très bien. Son amour est sérieux car il aimerait «ardemment»l’épouser. C’est d’ailleurs le seul amour réciproque dans la nouvelle, l’association des voix passive et active le montrent: «en devint amoureux et en fut aimé».
II-L’archétype de l’homme audacieux
A)Un chevalier épique démonstratif
-Le duc de Guise prend place dans la tradition des personnages masculins valorisés par leurs exploits guerriers. C’est une tradition transmise du personnage épique du roman de chevalerie (par exemple Perceval). Ce passage du film le souligne bien: avant la venue du prince de Montpensier, un plan- séquence du duc de Guise se ruant sur ses ennemis protestants et n’hésitant pas à trancher leur tête du haut de son cheval, donne à voir un symbole de supériorité. Ce caractère impulsif est attesté dès le début du film, lors de leurs retrouvailles peu avant qu’ils n’apprennent que les fiançailles de la princesse connaîtront des changements. Il y a un duel entre le duc lui-même et le prince, au sein du château et au vu de tous, notamment devant la princesse.
-Son surnom «le Balafré» atteste de son courage au combat. L’opinion publique sur sa témérité au combat rend la princesse fière de lui, et elle l’aime plus encore.
-Enfin,  marquée d’événements historiques des guerres de religion, la nouvelle ne cesse d’exhiber les actions remarquables du duc de Guise: «Ce fut dans cette guerre que le duc de Guise commença à avoir des emplois fort considérables et à faire connaître qu’il passait de beaucoup les grandes espérances qu’on avait conçues de lui». La scène du film souligne cet aspect glorieux lorsqu’une charrette vient faire du commerce et apporter les nouvelles  à Mont-Sur-Brac. C’est ainsi que la princesse a vent des exploits du duc de Guise.
B)Une ambition grandissante
-Ce qu’il n’a pas, le duc le veut. Or, il ne peut pas avoir la princesse (car elle est mariée), c’est pourquoi il enchaîne les visites nocturnes, c’est le comte de Chabannes qui introduit le duc de Guise dans la chambre de la princesse. Dans le film, ses paroles illustrent parfaitement son caractère obstiné: «En ce cas, vous ferez mon malheur mais le sien aussi! Ce que je veux, elle le veut ! Je le sais. Ce que j’éprouve, elle l’éprouve! Si je meurs, elle mourra!».
-A la fin de la nouvelle, le duc devient un homme volage et peu attentionné. Lorsqu’il apprend que la princesse est malade, il ne prend pas de ses nouvelles. La princesse se sentira humiliée par son désintérêt, elle qui a tout risqué pour aimer cet homme: «Le duc de Guise, occupé du désir de venger la mort de son père, et, peu après, rempli de la joie de l’avoir vengée, laissa peu à peu éloigner de son âme le soin d’apprendre des nouvelles de la princesse de Montpensier ; et, trouvant la marquise de Noirmoutier, personne de beaucoup d’esprit et de beauté, et qui donnait plus d’espérance que cette princesse, il s’y attacha entièrement et l’aima avec une passion démesurée, et qui dura jusqu’à sa mort.»
-L’avantage et l’intérêt privé du duc de Guise guident ses actions. Il s’éprend de la marquise de Noirmoutier (qui elle est disponible) avec la même «passion démesurée» que celle qu’il avait éprouvée pour la princesse de Montpensier. A la fin du film, il y a un gros plan du duc de Guise s’essayant au combat avant que la princesse ne l’interrompe, avec un sublime château en fond. Le duc adopte une expression grave, sans toutefois éprouver aucune compassion pour la princesse, venue quémander son «amour» ou du moins une flamme.
-Le duc de Guise semble habité d’un désir d’ascension sociale. Il parvient à neutraliser son amour pour la princesse afin de devenir quelqu’un dans cette société. Les ouvrages mettent en scène un quatuor de personnages masculins, différents les uns des autres. Ils symbolisent tous une forme d’amour différente (CF La carte du Tendre). Le duc de Guise est celui, et de loin, qui a les faveurs de la princesse de par sa beauté physique, son esprit vif et sa jeunesse. Mais lassé d’attendre, il se projette dans une nouvelle relation plus avantageuse.
SARRASIN Eva, PITCHE Maria et ZAFISOLO Vavihita

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