Né dans une famille bourgeoise au XXème siècle et ayant été éduqué par les femmes de son entourage, André Gide apporte de nouvelles qualités à la littérature française à travers ses différentes œuvres. Il évoque l’homosexualité dans Corydon et s’intéresse à de nombreux thèmes tel que la religion dans son roman hors du commun, Les Faux-Monnayeurs qu’il publie en 1925. Deux ans plus tard, Gide gratifie ses lecteurs d’une œuvre complémentaire, Le Journal des Faux-Monnayeurs, qui nous permet de suivre son raisonnement et sa méthode d’écriture pour aboutir à son premier et seul roman.
Quelle place occupe la religion dans le roman d’André Gide et que signifie-t-elle ?
Dans un premier temps, nous observerons que la religion est présente à travers tout le roman sous différentes formes ; dans un second temps, nous nous pencherons sur la représentation de la religion qu’expose ici l’auteur.
Gide fait apparaître la religion dans son œuvre à plusieurs reprises, et même de manière implicite. Il annonce dans Le Journal des Faux-Monnayeurs dès le premier cahier, l’un des côtés de la religion qu’il va aborder : « Quel jugement un honnête homme peut-il porter sur une religion qui met de telles paroles dans la bouche d’un père? ». Gide fait cette annotation lorsqu’il mentionne un pasteur qui souhaite la mort de son fils, ainsi nous voyons déjà qu’il semble s’orienter vers une remise en question de la religion.
La religion est mentionnée à plusieurs reprises dans le journal d’Edouard, notamment sous forme de flashback avec le mariage de Laura et Douviers dans le chapitre 12 de la partie I, de la page 108 à 126 de l’oeuvre. La religion est constamment présente à travers le livre grâce à la pension Vedel-Azaïs qui est un des lieux les plus mentionnés de l’oeuvre et qui est dirigé par une famille de chrétiens dont le père est prêtre. Deux des enfants de cette famille porte d’ailleurs des prénoms bibliques, Rachel et Sarah. Gide, dans son journal annonce d’ailleurs ce qu’il prépare pour les jeunes enfants du pasteur : »débaucher et pervertir les enfants du pasteur » : il semble montrer qu’il va se pencher sur la corruption dans la religion.
L’auteur montre qu’il aimerait inclure des thématiques concernant le diable à la page 34 de son journal : « Le traité de la non-existence du diable. Plus on le nie , plus on lui donne de réalité. Le diable s’affirme dans notre négation ». En effet, Gide inclut le diable et les anges à travers divers personnages tels que Bronja, Boris, Vincent et même Bernard. Gide, de manières multiples, donne une omniprésence à la religion dans son roman et en explore d’ailleurs plusieurs aspects.
En effet, Gide ne se contente pas de mentionner la religion mais l’explore à travers ses personnages et intrigues et en fait donc un des éléments reliant les multiples intrigues. Le mariage de Laura est décrit dans le journal d’Edouard mais ce mariage est remis en question durant toute l’oeuvre étant donné l’infidélité commise par Laura . Une des intrigues de l’oeuvre est celle de Laura, qui a trompé son mari avec Vincent et se retrouve maintenant enceinte, elle considère cette grossesse comme une punition pour l’adultère dont elle est coupable car elle pense qu’elle sera déshonorée et que son mari ne voudra plus d’elle. Ainsi, Laura est plongé dans le malheur par ses propres croyances. Le mariage est une institution religieuse remise en cause à plusieurs autres reprises avec les différents adultères présents dans l’oeuvre. Bernard est un bâtard, sa mère l’a eu avec un autre homme que son mari, M. Profitendieu. Pauline Molinier est au courant de l’infidélité de son mari mais décide de fermer les yeux pour préserver l’équilibre de sa famille. Ainsi, l’auteur met en évidence le côté parfois faux et sournois du mariage.
L’adultère n’est pas le seul péché abordé par l’auteur, à travers le personnage d’Armand Vedel-Azaïs, nous avons un regard sur le point de vue d’un fils de prêtre. Armand reproche à son père de ne pas être assez présent pour sa famille et remet en question la foi de son père ; on a aussi un aperçu du délaissement de la religion par Armand lorsqu’il pousse sa sœur Sarah dans les bras de Bernard, ce qui aboutira à une relation charnelle entre les deux personnages dans la partie III dans le roman. Gide attire alors l’attention sur la confusion des jeunes vis-à-vis de la religion. Gide utilise aussi ses jeunes personnages pour dénoncer l’abandon que ces derniers ressentent en les impliquant dans une affaire de bordel, évoqué au début de l’oeuvre. L’auteur introduit aussi des personnages ouvertement anti-religieux tels que Strouvilhou qui maintient des propos blasphématoires. Il cherche aussi à faire passer un message avec le nom révélateur qu’est Profitendieu, cela nous fait penser à quelqu’un qui ne respecte pas les règles morales de la religion et qui ne se base que sur les règles de l’argent. Gide aborde aussi les valeurs morales avec l’évidente homosexualité de certains de ses personnages (Olivier, Passavant, Edouard) et une relation incestueuse (Edouard est l’oncle d’Olivier), mettant ainsi l’accent sur des pratiques dénoncées et interdites par la religion.
Le diable et les anges sont perçus à travers des personnages tels que Vincent, qui après ses aventures avec Lilian et son meurtre se croit le diable car il a commis tant de péchés que cela l’a plongé dans la folie, l’auteur avait d’ailleurs déjà prévu cela selon le deuxième cahier de son journal : « Il sent vraiment qu’avec Satan il a partie liée. », Gide s’avance donc sur quelque chose de très craint mais cependant respecté par les religieux. Opposé à cela, nous avons Bronja qui est une enfant pure et qui semble représenter les anges, et qui les voit, à travers sa pureté de coeur et d’âme.
Enfin, Gide aborde un des sept péchés capitaux de la Bible, le suicide. Ce sujet est abordé par Le Vieux La Pérouse qui le considère comme une libération de tous les soucis de la vie, mais cela se transforme en tragédie lorsque son petit fils Boris se suicide à la fin de l’oeuvre juste devant lui. Gide montre donc plusieurs façons de considérer le suicide et finit par exposer le malheur qu’il cause. Dans son œuvre, Gide met la religion à nu et l’explore sous tous les angles.
Gide voit en son roman Les Faux-Monnayeurs l’opportunité d’exprimer toutes ses incertitudes et positions sur la religion. Il accorde à travers ses personnages et de façon implicite une omniprésence à la religion et l’explore tout au long de son œuvre, projetant alors plusieurs de ses thématiques sous les projecteurs. Ainsi, la religion est partie intégrante de l’oeuvre. André Gide se sert d’ailleurs de la religion pour introduire d’autres intrigues dans son œuvre, ces dernières étant très nombreuses dans l’oeuvre. Cette œuvre nous permet de mieux comprendre les orientations religieuses de Gide qui semble s’intéresser beaucoup à Dieu comme on le voit dans une de ses propres citations : « C’est par nous que Dieu s’obtient ».
TECHER Sarah
VERBARD Elena
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