La symbolique de la fenêtre

Œdipe Roi est une tragédie grecque de Sophocle écrite entre 430 et 420 avant Jésus-Christ, qui met en scène le destin tragique de Œdipe le roi maudit. En 1967, Pasolini tourne une adaptation de cette œuvre mythique « Edipo re », où il en profite pour mettre en abîme sa vie et son propre complexe d’Oedipe dans le prologue et l’épilogue. Par la suite, nous pouvons nous demander quelle est la symbolique de la fenêtre durant tout le film. Dans une première partie, nous verrons qu’elle met en lumière le symbole du mythe et du complexe d’Oedipe ; ensuite, nous verrons que par la fenêtre, il y a un jeu de regards entre les spectateurs et les personnages.

I) La fenêtre, symbole du complexe
a) Le début du complexe

Les premières fenêtres apparaissent dès le début du prologue où l’on voit deux fenêtres ouvertes qui ne permettent pas de voir à l’intérieur. Ces deux fenêtres peuvent symboliser le début du mythe, puis du complexe d’Oedipe car ce plan est suivi de la naissance de l’enfant, que l’on voit à travers la fenêtre. Durant le prologue, nous pouvons voir que toutes les fenêtres sont ouvertes. On pourrait voir ici que le complexe d’Oedipe commence petit à petit, car à sa fenêtre, l’enfant pleure et appelle sa mère. En effet, l’enfant regarde ses parents danser à travers la fenêtre du bal et développe petit à petit de la jalousie envers son père ; il veut sa mère uniquement pour lui, souhaite que son père s’en aille. D’ailleurs ce dernier lui a dit : « Tu es né pour prendre ma place dans ce monde et me rejeter dans le néant, me voler ce qui m’appartient. C’est elle que tu me voleras en premier, elle la femme que j’aime. D’ailleurs, tu me voles déjà son amour ». Le fait que la fenêtre symbolise le complexe se voit également après le prologue. En effet, pendant qu’Oedipe fait son discours pour résoudre le problème de la peste, il cherche le regard de Jocaste ; celle-ci le lui rend depuis sa fenêtre. Si la chambre symbolise la vérité, cela signifierait que la fenêtre est une sorte d’interface entre la vision d’Oedipe et celle-ci. De plus, nous voyons Jocaste au-dessus de tous les habitants de Thèbes, montrant que la vérité qu’ils cherchent se trouve au-dessus d’eux. Les habitants ne voient pas ce qu’il y a dans la chambre, mais Jocaste de sa fenêtre peut tout voir. Nous pouvons voir également une sorte d’accomplissement du destin car c’est dans cet endroit que Jocaste mettra fin à ses jours.

b) Accomplissement du destin

L’accomplissement du destin se voit surtout à la fin du film avec la découverte du corps de Jocaste. En effet, sur ce plan, Jocaste est pendue et se trouve dans l’obscurité tandis que la lumière venant de la fenêtre éclaire devant elle. Ici, le fait que la fenêtre symbolise la vérité est accentué car la lumière éclaire le visage de Jocaste ainsi que son corps mort. La fenêtre n’est pas très visible, cachée par les murs de la chambres. Néanmoins, cette découverte de la vérité est vue également peu avant le suicide de Jocaste, lors d’une scène d’amour où Oedipe « l’agresse » sentant qu’il s’est rapproché de la solution de l’énigme qu’il tente de résoudre. Dans cette scène-ci, la fenêtre se trouve derrière eux, elle éclaire leurs corps comme pour montrer qu’ils se rapprochent peu à peu de la vérité. L’accomplissement du destin se voit une dernière fois dans l’épilogue, lorsqu’Oedipe et Angelo marchent devant l’ancienne maison d’Oedipe. Cela signifie un retour au point de départ, mais, le fait que toutes les fenêtres soient ici totalement fermées contrairement au prologue où elles étaient ouvertes montrent que le complexe d’Oedipe a été résolu.

Mais la fenêtre n’est pas seulement le symbole de la vérité, elle symbolise également le voyeurisme.

II- Le voyeurisme
a) Jeu de regards entre les personnages et le spectateur

Premièrement, nous pouvons voir que dans le film, les premiers jeux de regards entre les spectateurs et les personnages apparaissent lors du retour de Créon en ville. Dès lors, nous avons une alternance de plans sur trois femmes différentes à leurs fenêtres ; étrangement, ces femmes ne regardent pas Créon, qui apporte une bonne nouvelle : mais elles regardent le caméraman, elles nous regardent nous, les spectateurs. Elles nous observent d’un regard énigmatique et joueur, comme si elles étaient les seules à connaître la vérité. Elles entrent donc en contact visuel avec les spectateurs, les seuls qui connaissent aussi la vérité, dans ce monde d’ignorants.
Deuxièmement, nous pouvons voir qu’il y a aussi un certain jeu de regards entre les deux personnages principaux : Oedipe et Jocaste. Lorsqu’Oedipe fait son discours devant tout son peuple, il lève les yeux vers la chambre conjugale, à la recherche du regard de sa femme. On y voit ici, une sorte de double jeu dans le regard, car le regard du roi à Jocaste peut être interprété comme celui d’un époux amoureux qui recherche celui de la femme qu’il aime ; mais aussi celui d’un enfant perdu, qui cherche le regard de sa mère comme pour se rassurer face à ses responsabilités, face à son destin qui commence à s’accomplir petit à petit.

b) La violation de l’intimité

Dans le film de Pasolini, on voit que la fenêtre nous donne aussi accès à l’intimité des personnages principaux. Premièrement, nous le voyons dans le prologue où on assiste à la naissance d’Oedipe, le personnage principal et le roi maudit par la malédiction de l’oracle. Plus tard dans le prologue, Oedipe bébé quitte son lit et s’approche du balcon où il observe ses parents danser derrière une fenêtre. Il appelle désespérément sa mère, et par ses cris, il espère que Jocaste interrompe son moment intime avec son mari et qu’elle vienne s’occuper de lui. Par la suite, c’est cela qui poussera Laïos à se débarrasser de son fils.
Deuxièmement, nous pouvons observer cette violation de l’intimité dans les scènes d’amour entre Oedipe et Jocaste. Lors de leur première nuit conjugale, les deux amants sont sur le lit, s’échangent des regards et commencent à se déshabiller. La lumière de la lune (ici, elle peut être interprétée comme étant une présence divine) passe à travers la fenêtre et éclaire parfaitement le lit, Oedipe et Jocaste. Ici, la fenêtre peut être vue comme étant une sorte de médiateur entre les deux amants et les dieux, et donc le destin qu’ils sont en train d’accomplir sans même s’en rendre compte. La fenêtre est, ici encore, un moyen de voir l’accomplissement du destin tragique d’Oedipe.

Conclusion :

Pour conclure, nous observons que tout au long du film de Pasolini, la fenêtre a plusieurs symboliques qui varient en fonction des scènes du film, mais elle garde toujours un même rôle : elle permet aux personnages comme aux spectateurs de voir la vérité. Premièrement, on voit que la fenêtre permet aux spectateurs de voir l’accomplissement progressif du destin d’Oedipe, le roi maudit. On le voit dès le prologue, avec la naissance d’Oedipe et les circonstances de l’abandon de ce dernier. Par la suite, et ce durant tout le film, on le voit lors de la nuit de noces d’Oedipe et Jocaste, lorsque Oedipe commence à comprendre la vérité et bien évidemment lors du suicide de Jocaste. Deuxièmement, on voit que la fenêtre permet aux personnages d’effectuer un jeu de regard avec les spectateurs ; mais aussi d’entrer dans l’intimité des personnages principaux.

Hernandez Emma
Goulamaly Insiyah
Béringuer-Carrey Mélissa

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