Mouvement littéraire du XIXème siècle, le réalisme a pour but d’exprimer le plus vraisemblablement possible le réel sans pour autant l’idéaliser. Gustave Flaubert s’inspire alors de ce qui l’entoure pour écrire ses œuvres. Il se lance en 1851 dans l’écriture d’un roman qu’il prendra cinq ans à terminer et qui sera censuré et publié définitivement en 1857 : Madame Bovary. Ce roman relate l’histoire d’une femme qui lit beaucoup trop de romans romantiques et qui rêve plus que tout de vivre un conte de fée mais qui finira par mourir de toutes ses déceptions amoureuses. Inspiré par des faits divers, Flaubert apporte beaucoup d’importance à la psychologie de ses personnages, notamment à celle de sa protagoniste, Emma qui est considérée comme la représentation parfaite de ce que l’on appelle le « bovarysme ». Nous pouvons donc nous demander comment Flaubert illustre dans ce roman le bovarysme à travers ce personnage. Dans une première partie nous verrons la notion de “bovarysme” ; puis dans une seconde partie nous nous concentrerons sur la complexité du personnage d’Emma.
I – La notion du « bovarysme ».
a) Origine
Contrairement à ce que l’on pense, Gustave Flaubert n’a pas inventé la notion de ‘’Bovarysme’’. En effet, c’est le philosophe français Jules de Gaulthier qui en est le créateur. A la fin du XIXème siècle, il s’interroge sur deux domaines distincts, que sont la littérature et la psychopathologie et finit par inventer le bovarysme, ce ‘’phénomène de psychologie normale ou pathologique’’. C’est en lisant l’œuvre éponyme de Flaubert que Gaultier conçoit le bovarysme, il va d’ailleurs écrire un essai, Le Bovarysme, la psychologie dans l’œuvre de Flaubert, qu’il publiera en 1892 pour illustrer sa trouvaille. En effet, Madame Bovary est l’incarnation même du bovarysme, on note d’ailleurs que cette notion a été nommée d’après le nom que la protagoniste partage avec son mari. Pourtant il s’avérera que c’est Balzac qui a été le premier à évoquer cette « pathologie » dans La Femme de trente ans. Très proche de Flaubert, Balzac serait alors celui qui aurait inspiré Flaubert.
Ce ne sera qu’au XXème siècle que le bovarysme se fera connaître, permettant de critiquer la psychologie des personnages de romans il deviendra alors une réelle « pathologie psychiatrique ».
b) Définition
La définition initiale donnée par Gaultier pose les bases du bovarysme que l’on traduirait de nos jours comme la « la faculté départie à l’homme de se concevoir autrement qu’il n’est », c’est-à-dire l’aptitude que l’on a tous à se concevoir comme différent de ce que l’on est. Cette incapacité à se satisfaire de la vie réelle est alors un mal-être et touche surtout la vie amoureuse et sexuelle du patient. Comme Madame Bovary, le patient se réfugie, le plus souvent, dans ses lectures et s’identifie aux personnages : Il vit donc sa vie en décalé entre le réel et le fictif. C’est pourquoi Emma, dans Madame Bovary, très frustrée et se sentant incomprise dans son couple, ressentira le besoin de tromper son mari plusieurs fois, et, ne pouvant se satisfaire complètement de ses amants, ne vivra que des déceptions amoureuses tout au long du roman.
Flaubert va à de nombreuses reprises tenter de définir le bovarysme en décrivant ce qu’Emma peut ressentir, ainsi, dans le chapitre 7 de la première partie du roman, il parlera d’un « insaisissable malaise, qui change d’aspect comme les nuées, qui tourbillonne comme le vent » puis dans le chapitre 6 de la deuxième partie, il évoque « l’attirante fantasmagorie des réalités sentimentales » qui emprisonne Emma. Toutes les caractéristiques qui définissent le bovarysme viennent ainsi du personnage d’Emma.
II- Le personnage d’Emma
a) Une réalité refoulée
Dans toute l’œuvre, nous pouvons constater qu’Emma refoule souvent la réalité. Cependant, ce fait est beaucoup plus visible dans le chapitre 6 de la première partie. En effet, dans ce chapitre nous nous apercevons qu’Emma lit, certes, beaucoup de romans romantiques, quand elle était au couvent, mais elle lit plus particulièrement ceux à l’eau-de-rose, ce qui fait d’elle une fille caractérisée comme « fleur bleue », mais aussi qu’elle rêve d’une vie de conte, du prince charmant avec toutes les qualités qui vont avec, c’est-à-dire être ‘’brave comme des lions, doux comme des agneaux, vertueux comme on ne l’est pas, toujours bien mis, et qui pleurent comme des urnes’’ (p96).
De plus, Emma est un personnage limité de par son éducation intellectuelle, de par le ridicule de ses connaissances qui sont superficielles, comme le fait qu’elle connaît Louis XIV par des assiettes. Par ailleurs, elle mélange les personnages réels et fictifs comme Jeanne D’Arc et Clémence Isaure, et elle mélange tout, ce qui montre qu’elle est perdue, et cela peut se constater par la suite, à la page 98, où elle évoque différents pays (Orient, Grèce, pays de neige) et différentes choses (palmiers, sapins, tigres, lions). Elle confond tout, et énumère des choses complètement différentes : elle vit dans un monde d’illusion, elle est donc une femme très sentimentale, et son sentimentalisme entraîne une vision déformée de la réalité.
b) Une éternelle insatisfaite
Emma ira d’illusions en désillusions, en enchaînant les déceptions amoureuses. En effet, haïssant son mari Charles, elle se réfugiera auprès de ses amants à savoir Rodolphe et Léon. Ces derniers l’abandonneront car ils seront vite lassés du sentimentalisme exacerbé de la jeune femme qui rêve de voyages et de vie trépidante. De plus, chacune des ruptures amoureuses avec ses amants aboutira à des dépressions qui lui ruineront la santé : Charles décidera alors de déménager en pensant que le changement de ville lui fera du bien. Dans les autres villes, elle sera éblouie, mais, cherchant une aventure trépidante, se lassera rapidement. Par ailleurs, elle pensait que son ennui allait disparaître avec l’arrivée de son enfant ; mais elle accouche d’une fille et ayant toujours souhaité un garçon elle va sans cesse rejeter son enfant.
D’ailleurs, durant tout le roman, elle aura constamment des prises de conscience, qui montreront qu’elle est lunatique et qu’elle possède une certaine dualité. En effet, cette facette de sa personnalité se retrouve dans tout le roman, par exemple, quand elle susurre des mots doux à son mari, mais qu’en fait elle le déteste, et ne cherche par là qu’à obtenir quelque chose en retour. De plus, son côté lunatique peut être aussi visible quand elle désire quelque chose, mais quand elle peut l’avoir, elle n’en veut plus ; comme lorsqu’elle change de ville : elle emménage à Yonville et s’en lasse rapidement, mais fait croire à son entourage qu’elle est heureuse et essaye de se contenter de ce que lui offre le destin, son mari.
Elle cherchera encore et toujours à se satisfaire, en vain, car cela entraînera sa mort.
c) Les dépressions d’Emma
Emma, suite à ses ruptures amoureuses, tombera en dépression. Ces dépressions répétées iront en s’aggravant. En effet, elle va tomber malade au point de ne plus vouloir sortir de sa chambre, s’isolant complètement et refusant toute visite. Cependant, à chacune de ses dépressions, elle se réfugie dans la religion, suite à sa rupture avec Rodolphe, elle demande à se faire communier et se voue à Dieu. Mais cette dévotion n’était qu’éphémère, car, comme toujours, elle s’en lasse vite, et ne retrouve pas le même sentiment qu’elle à éprouvé lors de sa communion.
Après cette dépression suivra une nouvelle aventure, cette fois-ci avec Léon, mais qui se terminera de la même façon. À ces dépressions s’ajoutera la culpabilité d’avoir menti à son mari, les nombreuses dettes qui pèsent sur elle et M.Lheureux qui la menace de tout raconter à son mari, Charles.. Pour couvrir ses dettes, elle demande de l’argent à plusieurs personnes, dont ces amants, mais ces-derniers ne voulant (soi-disant), selon Emma, pas lui donner de l’argent, elle décide de leur tourner le dos. Malgré cela, ne pouvant plus supporter de telles pressions, elle décidera de se suicider à l’aide d’arsenic, pour échapper à ses dettes, et pensant donner une vie meilleure à Charles, mais qui n’aboutira qu’à la mort de ce dernier.
Conclusion:
Flaubert donne ainsi, dans Madame Bovary, sa définition propre du bovarysme et pour ce faire, passe par le personnage d’Emma. .Bien qu’il ne fût, à l’origine, pas conscient d’évoquer une notion qui plus tard caractériserait son roman tout entier, Flaubert a créé Emma, personnage très complexe, qui représente bel et bien, à ses dépens et son propre détriment, cette pathologie psychologique.
Le bovarysme d’Emma va finalement la mener, ainsi que toute sa famille, à une fin tragique et pathétique, résultat de la fatalité. Le suicide d’Emma ne va donc pas sans nous rappeler celui de Jocaste, dans Oedipe-Roi de Sophocle, lui-même conséquence de la fatalité qui a pesé sur la famille des Labdacides.
Annaëlle, Anne-Laure, Daniella
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