Les différentes classes sociales dans l’oeuvre

Flaubert nous propose dans cette œuvre, de la même façon que Balzac, un roman provincial où trois classes sociales se distinguent : la noblesse, la bourgeoisie, et les paysans. Cet aspect s’avère important pour ce roman réaliste qu’est Madame Bovary. En effet, à travers plusieurs champs sociaux que nous visitons tout au long de l’histoire, l’auteur nous délivre les caractères d’une société dont Emma fait partie, et où notre héroïne, si faible d’esprit, se berce d’illusions et rencontre la difficulté fondamentale d’être une femme dans une société contemporaine.

La Bourgeoisie dans l’œuvre :

C’est d’abord par Charles Bovary que nous aborderons la figure bourgeoise dans le roman. Dès le début de l’œuvre, nous déduisons que « l’argent » est un aspect important qui est directement lié à la bourgeoisie. En effet, le désir de richesse (ou plutôt dans ce cas d’enrichissement) mène la famille Bovary à marier Charles à une veuve qui aurait de la fortune, ce qui d’ailleurs se révèle ne pas être le cas (c’est donc plutôt la famille de Charles qui se montre intéressée, non lui,car il est ici contraint). Cette « étiquette » du bourgeois cupide reste néanmoins attribuable à Lheureux, le bourgeois incarnant le parfait usurier profiteur, qui de ce fait accélère la mort d’Emma : « Les affaires d’argent bientôt recommencèrent, M. Lheureux excitant de nouveau son ami Vinçart, et Charles s’engagea pour des sommes exorbitantes » (chap. 11).

Charles est une réelle nullité, ce qui le différencie tout de même du bourgeois type  très médiocre comme Léon, un notaire paresseux, rêveur ou bien Homais, un petit bourgeois vaniteux qui aime se croire intellectuel (celui-ci développe d’ailleurs à sa manière une forme de bovarysme), il serait fier d’être « membre de plusieurs sociétés savantes » (chap6) même si celui-ci en réalité ne fait partie que d’une société d’agriculteurs, section pomologie…En revenant à Charles, nous constatons qu’il ne prend aucune décision par lui-même, il est ce qu’on lui dit d’être, il vit sa vie sans en prendre réellement conscience. Par exemple, il reste amorphe face à Emma qui lui ordonne que celui-ci l’aime de telle ou telle manière, comme au bal ou sa femme lui dicte l’attitude à adopter. En définitive, le bourgeois dans l’œuvre n’est pas dépeint de manière positive, la cupidité , la paresse, la vanité d’un côté et pour Charles cette influençabilité, cette inaction, ce manque de personnalité, cette naïveté…

La noblesse :

C’est au moment du bal du Marquis d’Andervilliers au château de la Vaubyessard, où les Bovary furent invités, que la noblesse est l’axe principal du récit. Ce monde de nobles est le monde rêvé d’Emma , peut-être le monde qui lui correspondrait enfin ? Cette noblesse aperçue par Emma est la source d’une frustration qui la suit tout au long du roman. Flaubert partage dans son œuvre une image du noble riche qui crée un fort contraste avec les origines d’Emma : «  Mme Bovary tourna la tête et aperçut dans le jardin, contre les barreaux, des faces de paysans qui regardaient. Alors le souvenir des Bertaux lui arriva. Elle revit la ferme, la mare boueuse, son père en blouse sous les pommiers, elle se revit elle-même comme autrefois ». Cette citation marque à travers Emma les deux mondes opposés qu’il y a dans cette société. Nous verrons par la suite plus précisément les aspects de la paysannerie, en revanche la noblesse dans l’œuvre est décrite dans l’œuvre comme se constituant de personnes radicalement différentes du reste de la société par leur apparence mais aussi par leurs centres d’intérêts : «  Leurs habits mieux faits semblaient d’un drap plus souple, et leurs cheveux, ramenés en boucles vers les tempes , lustrés par des pommades plus fines. Ils avaient le teint de la richesse , ce teint blanc que rehaussent la pâleur des porcelaines, les moires de satin, le vernis des beaux meubles et qu’entretient dans sa santé un régime discret de nourritures exquises » . On ressent bien ici de l’admiration pour des personnes idéales, des modèles à suivre . Leur richesse et leurs préoccupations se voient par exemple quand certains parlent de leur dernier voyage ou d’autres de leurs derniers gains aux paris :«  on entourait un tout jeune homme qui avait battu, la semaine d’avant, miss Arabelle et Romulus, et gagné deux mille louis à un sauter un fossé, en Angleterre ». Ce monde est vu par Emma de manière idyllique (Flaubert n’hésite d’ailleurs pas à devenir ironique en le décrivant). La noblesse dans l’œuvre est donc l’objet des rêveries de madame Bovary, mais aussi un autre moyen pour Flaubert de se moquer de ces personnes qui paraissent aussi artificielles…

Le paysan :

La figure paysanne, comme nous l’avons constaté dans l’analyse précédente, «  s’oppose » à cette noblesse d’apparat. Emma Bovary étant elle-même issue d’une famille paysanne se rend compte de ces différences : « La musique du bal bourdonnait encore à ses oreilles, et elle faisait des efforts pour se tenir éveillée, afin de prolonger l’illusion de cette vie luxueuse qu’il lui faudrait tout à l’heure abandonner » chap8. Le paysan dans l’œuvre est en effet cette personne plus « terre à terre », « en blouse sous les pommiers » comme nous le constatons avec le Père Rouault (père d’Emma).En revanche ce n’est pas la vision traditionnelle que nous avons du paysan qui serait assez modeste, non, d’ailleurs le gendre de Charles paye à sa fille une bonne éducation dans un couvent, là où celle-ci se plaît à lire des Keepsakes…C’est donc un paysan assez riche. D’ailleurs c’est la figure sociale la moins « médiocre », il parait sincère avec lui-même, ses principes, et son entourage. Sa famille reste toujours le centre de ses préoccupations (c’est d’ailleurs pour cela qu’il pleura autant sa défunte épouse et par la suite sa fille). Il se montra aussi fort hospitalier et généreux avec Charles, sans oublier le trait comique qu’il essaie de conserver même dans les situations les plus difficiles : « Bovary, quoique ça, vous recevrez toujours votre dinde ». En définitive, c’est un homme bon, sans doute le seul du roman. C’est aussi la figure paysanne la plus illustre de l’œuvre à proprement parler (en retirant Emma qui devient une bourgeoise avec des prétentions…).

Flaubert nous dépeint donc une société assez contrastée, où les nobles cultivent leur snobisme peut-être même inconsciemment, et en cela ils en deviennent parfois ridicules, où les bourgeois se prennent pour ce qu’ils ne sont pas comme Emma, Homais et même parfois Léon dans ses rêveries, ou bien d’autres comme Lheureux répondent parfaitement au stéréotype du bourgeois cupide, et enfin où les paysans essaient visiblement de vivre le mieux possible, tout en restant simples.

Paolo Rodriguez

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Une réflexion sur « Les différentes classes sociales dans l’oeuvre »

  1. D’accord sur la plupart des points, mais il manque tout de même un élément crucial pour faire d’Emma l’héroïne d’un roman d’apprentissage : l’évolution.
    Sa caractéristique première est son impossible progession malgré la pression que lui impose le réel.

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