La représentation de la femme

Les mains libres est un recueil de poèmes écrits par Paul Eluard et de dessins réalisés par l’artiste Man Ray. Ancrée dans le mouvement du surréalisme, l’oeuvre laisse apparaître ce refus de conventions propre aux surréalistes. Les mains libres laisse également percevoir une certaine fascination pour la femme. Nous verrons alors comment la femme est représentée à travers les poèmes et dessins qui composent l’oeuvre. Elle apparaît comme objet, mais également comme objet du désir et s’avère aussi être une femme fatale.

I – La femme, un objet
« Pouvoir » p.66 : Le dessin de Man Ray nous montre que la femme est sous l’entière emprise de la main de l’homme, qui est d’ailleurs surdimensionnée afin d’accentuer ce sentiment de supériorité masculine. Le poème d’Eluard vient renforcer cette idée : il utilise des termes plutôt forts : « saisit, empoigne, robustes, réduit à l’impuissance, main dominante ». Et il finit même par écrire clairement qu’elle est une « proie ». Ainsi la femme est manipulée et soumise, ce qui rappelle les écrits du marquis de Sade.
« La femme portative » p.115 : L’adjectif « portative » renvoie déjà à tout ce qui peut être transporté facilement. Ici encore nous retrouvons l’idée d’une femme manipulable, soumise à la décision de l’homme qui peut faire ce qu’il souhaite d’elle. Dans le dessin, la femme s’apparente davantage à une forme, quelque chose d’inanimé, presque un mannequin gonflable. Dans le poème la femme est même associée à une « dérision ».
« Narcisse » p.37 : Man Ray a encore une fois choisi la femme afin de montrer qu’elle est elle aussi, soumise au masque (le « masque de poix ») que la société nous impose. Cela montre notre impuissance à agir face à un système déjà enclenché. Voir aussi  « Le désir » où la main qui tient les cheveux de la femme semble une fois encore prendre le contrôle de sa personne puisque la femme elle-même ne semble pas s’en rendre compte, son regard fixe en témoigne. Et dans « Le mannequin », la femme peut être associée à quelque chose de matériel.
II – La femme, un objet du désir également
« Le don » p.26 : Le dessin nous montre une femme à la tête renversée vers l’arrière, la poitrine nue et de longs cheveux : cela apporte une grande touche de sensualité ; et nous rappelle d’ailleurs la femme du frontispice, au corps courbe et aux longs cheveux ondulant jusque dans l’eau. Eluard lui, écrit dans son poème « elle est noyau », ce qui pourrait signifier qu’elle est le centre de la Terre, du moins de toutes les attentions. S’en suit le nom « figue » qui fait référence au fruit que l’on mange, et encore une fois, voilà une marque du désir, passionnel puisqu’il se rattache au plaisir de manger. Mais aussi les autres noms « soleil, chaleur, feu » qui connotent le désir.
L’oeuvre comporte aussi des blasons :
« L’évidence » p.17 : Fixation sur deux parties du visage féminin : la bouche et l’oeil qui se trouvent au centre du dessin afin d’attirer l’oeil du destinataire. Le poème fait aussi référence aux yeux : « joignent tes yeux ».
« Paranoïa » p.88 : Dans le dessin, la jambe est clairement mise en valeur, et le drap posé sur le haut de la cuisse renforce le côté sensuel de cette partie du corps.
« Les sens » p.46 : La femme a les yeux fermés et la bouche entr’ouverte, une figure même du désir.
III – La femme fatale
La femme est menaçante :
« Histoire de la science » p.83 : Nous voyons sur l’illustration, une femme aux formes cassantes : les hanches sont saillantes, les côtes visibles et les pieds osseux nous rappellent des griffes. Une image aux antipodes de la femme sensuelle vue auparavant.
« C’est elle » p.22 : Le visage de la femme est presque déformé. Elle apparaît comme laide et âgée, de nombreuses rides sur son front nous le font deviner. Le poème est quant à lui quelque peu spécial, l’anaphore de « c’est elle » renforce l’idée que la femme est obsédante et partout. Elle ferait même penser à un danger : « Toujours derrière un mur / Comme au fond d’un ravin ». Donc, peu importe l’apparence de la femme, elle représenterait toujours une sorte de menace.
« Nu » p.62 : La femme est masculine : des ailes à la place des seins, et encore une fois des doigts rappelant des griffes grâce à leur longueur et leur finesse. Ici, la femme n’a pas les cheveux longs comme on l’a vu avant sur d’autres femmes dessinées dans le recueil.
« Burlesque » p.50 : Le dessin nous montre une femme au visage pratiquement entièrement dissimulé sous ses cheveux. Seule la bouche reste visible, ce qui pourrait nous faire penser au désir mais la bouche est plutôt tombante, nous faisant penser à un sentiment de dégoût, la femme semble désintéressée par ce qui se passe autour d’elle. Le poème, lui, appuie le caractère dur de la femme : « fille de glace ».

Nous remarquons donc que la femme présente différentes interprétations. Tantôt soumise, tantôt sensuelle et même fatale, elle n’en reste pas moins la muse des artistes surréalistes.

Yaël

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