Le mythe d’Œdipe existe depuis toujours. Déjà dans la Grèce antique il était conté oralement jusqu’à ce que Sophocle l’adapte en pièce de théâtre : Œdipe-roi. Cette pièce traversa les âges, fut réadaptée de nombreuses fois et même adaptée au cinéma comme l’a fait Pasolini, grand et controversé cinéaste italien. Il s’identifia d’ailleurs dans son film qu’il considère comme le plus autobiographique. Ainsi il prit soin de chaque détail, chaque décor, chaque costume, chaque objet. Et nous allons nous intéresser à ces derniers. En quoi les quelques objets filmés, principalement en gros plan, sont-ils importants pour l’histoire et pour le cinéaste ?
En premier lieu, prenons le bouquet de rose dans un vase posé sur la table au début du film qui est filmé durant quelques secondes. Suivies des scènes nuptiales entre Jocaste et Laïos (père d’Œdipe), ces roses symbolisent la passion amoureuse, le désir. Mais est-ce entre les parents ou plutôt un clin d’œil au destin concernant la relation incestueuse qu’entretiendra Œdipe avec sa mère ? Nous pencherions plutôt vers cette deuxième hypothèse.
Ensuite vient le gros plan sur l’herbe, quand Œdipe est allaité par Jocaste. La caméra nous montre l’herbe au plus près, symbole bien connu de la fécondité. Ici aussi c’est un clin d’œil au poids de la fatalité qui pèse déjà sur Œdipe même bébé. La façon dont est filmée l’herbe, laissant entrevoir Jocaste et son enfant ne font qu’accentuer les doutes. Cela témoigne de la relation fusionnelle qu’ils entretiennent déjà.
La corde aussi à laquelle est attachée Œdipe bébé (accroché à un bâton) n’est qu’un écho à la mort de Jocaste. En effet cette dernière se pend dans la chambre nuptiale, son corps se balançant comme Œdipe rattaché par les pieds.
Nous voyons deux fois une pierre indiquant la direction de Thèbes en quelques minutes. Œdipe ne sait quelle direction prendre, il court, tourne plusieurs fois sur lui-même, mais finit toujours par prendre la direction de Thèbes ; là où son destin le mène, là où les dieux ont décidé qu’il aille. Pasolini a voulu nous montrer le pouvoir des dieux face à cet homme. Peu importe ce qu’il fera, il prendra toujours la direction que les dieux ont tracée pour lui à la naissance.
Les plans sur le lit nuptial, une fois Œdipe roi de Thèbes, sont très prenants. Ils sont entrecoupés de plan sur les corps rongés par la Peste jonchant la ville. Cela démontre bien le meurtre commis par Œdipe et les répercussions de ce destin « tu tueras ton pères et épousera ta mère »(dixit la Pythie) sur les habitants de la ville. Les dieux sont intransigeants avec la faute qu’a commise Œdipe. Pasolini a voulu prouver un rapport très clair entre la relation incestueuse et le fardeau de toute une ville (une punition).
Enfin, comme dernier objet étudié, nous avons la flûte. Nous l’apercevons pour la première fois entre les mains de Tirésias qui en joue. La flûte a toujours eu comme symbole le tragique, mais aussi le divin. C’est ce qui relie l’Homme (ici Tirésias ) aux dieux. Mais lors de cette première rencontre entre Tirésias et Œdipe elle symbolise l’annonce du destin tragique d’Œdipe (l’inceste et le meurtre) puisque c’est avec cette flûte que va l’annoncer Tirésias. Nous revoyons cette flûte dans l’épilogue, entre les mains d’Œdipe. Cette flûte signifie alors beaucoup : le rapprochement d’Œdipe et Tirésias, comme si ce dernier n’était en fait que son double, d’ailleurs Œdipe annonça à Tirésias lors de leur première rencontre : « « J’aimerais être à ta place. Ton chant te place au‐delà du destin. ». Ainsi, en détenant cette flûte, Œdipe prend alors un caractère sacré, devenant lui aussi prophète. Cette flûte (métonymie de Tirésias) devient en quelque sorte le seul moyen d’expression d’Œdipe, pour qu’il puisse transmettre sa sagesse, ou contacter les dieux.
Ainsi les quelques objets que Pasolini a choisi de filmer en gros plan ont tous pour symbolique d’annoncer l’avenir, soit par le destin, la fatalité et donc les dieux, soit par le rapport entre Œdipe et Jocaste.
Laurent Eudore, Flavie Goutorbe, Mathilde Paviel
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